Portrait du réseau #48 : Nadège Gomila

Dans une reconversion professionnelle, il y a un élément clé, c’est le temps. Il faut réussir à se poser les questions quand ce n’est pas trop tard. Une reconversion professionnelle, c’est tout sauf impulsif.
Nadège Gomila

Fondatrice de Bloomencia, le programme qui vous permet de partir au vert pour trouver un projet professionnel qui vous ressemble.

PARLE-NOUS DE TON PARCOURS ACADEMIQUE PUIS PROFESSIONNEL S’IL-TE-PLAIT !

Je suis née à Paris mais j’ai quitté la France quand j’avais 5 ans avec mes parents expatriés. J’y suis revenue à 18 ans pour faire mes études à Sciences Po. J’ai passé mon bac à Buenos Aires et j’avais une idée fixe depuis plutôt jeune, 13/14 ans. Je m’étais dit « Je vais bosser dans les parfums », je ne sais pas trop pourquoi mais c’était une obsession. Dans ma tête, j’allais faire une école de commerce. Il se trouve que c’était en 2002 et qu’un ou deux ans avant, Sciences Po Paris avait ouvert les campus délocalisés, dont celui de Poitiers qui était axé sur l’Amérique latine. Les représentants de l’école sont venus faire le tour des lycées d’Amérique latine pour promouvoir ce nouveau campus. Je suis rentrée un soir à la maison, mes parents m’ont demandé comment s’était passée la journée et je leur ai dit qu’une école était venue se présenter. Je n’avais pas trop compris ce que c’était et je leur dis « je crois que ça s’appelle Sciences Po » et là mon père ouvre les yeux en grand et me dit « Si tu as la possibilité de tenter Sciences Po, il faut que tu le fasses ». J’ai été admise et j’ai commencé ma scolarité en 2003 sur le campus de Poitiers. J’ai fait un master marketing puisque c’est ce que j’avais envie de faire depuis le début, c’est-à-dire travailler dans les parfums et dans le marketing. J’ai été prise chez Guerlain et j’ai passé un an, donc ma dernière année de scolarité de Sciences Po, avec eux en alternance. Ça a été prolongé sur un CDD. On arrive à 2009 au moment de la crise économique, personne ne recrute et mon CDD n’est pas transformé en CDI, mais ils m’aident à trouver autre chose en soutenant ma candidature sur des opportunités du groupe. Un VIE (volontariat international en entreprise) s’est ouvert en Australie, j’ai postulé, c’était pour Givenchy, une autre marque du groupe LVMH, et donc je suis partie 3 ans en Australie. C’était vraiment 3 superbes années, puis la vie a fait que je suis rentrée en France. J’ai retrouvé un poste basé à Paris, chez Hermès pour le développement commercial en Europe de l’Est. Et puis au bout de 3 ans, comme je parlais espagnol, l’entreprise m’a parlé d’un projet qui impliquerait un déménagement à Madrid pour s’occuper du développement de l’Europe du Sud. J’ai dit oui. J’ai quand même le voyage dans le sang, c’était vraiment comme ça que j’avais grandi. Je suis partie à Madrid en 2015. Les 2 premières années se sont plutôt bien passées et puis à partir de 2017, j’ai commencé à me poser beaucoup de questions. C’était graduel, je n’ai pas eu de déclic mais plusieurs petites choses où je trouvais moins de sens à ce que je faisais. Je n’arrivais plus vraiment à m’épanouir dans mon travail. Pourtant ça se passait bien avec mes collègues, avec la boîte, je savais que j’avais des opportunités pour grandir dans l’entreprise, mais au fond de moi, je sentais que la passion n’y était plus. Ca a été hyper dur pour moi parce que depuis que j’avais 13 ans, je m’étais dit que j’allais bosser dans les parfums, donc je n’avais jamais envisagé de faire autre chose. Je m’étais jamais posé d’autres questions, et donc quand tout d’un coup, tu dois rebattre les cartes et envisager de faire autre chose, c’est très déstabilisant. Surtout que le parfum c’est quand même très spécifique comme industrie ; on ne se reconvertit pas dans une autre industrie aussi facilement. J’ai décidé de faire un bilan de compétences, histoire de cadrer un peu ma pensée parce que c’était pas forcément toujours évident de réfléchir par soi-même. Puis ça fait un peu peur de prendre les mauvaises décisions aussi, et le fait d’avoir le regard extérieur de quelqu’un qui peut t’accompagner, ça te permet de vraiment poser les questions et d’avoir un cheminement qui soit peut être un peu plus clair. À l’issue de ce bilan, il y a des choses qui ont, je veux pas dire émergé parce que je m’en doutais un peu, mais qui ont été confirmées, c’était que j’avais envie de tenter l’entrepreneuriat. Ça faisait 15 ans que j’étais dans le privé, dans le salariat et je crois que j’avais envie de tenter l’aventure. Comme ça faisait 2 ans déjà que je commençais un peu à me poser des questions sur le boulot, j’avais beaucoup beaucoup lu sur la thématique du bien-être au travail, de l’épanouissement professionnel, de « est-ce qu’il faut une passion pour être épanoui dans son travail », « est-ce que le travail est censé rendre heureux ». Je me suis passionnée par le sujet. Et donc, au fur et à mesure, je me suis dit que si je devais quitter mon travail, ce serait pour accompagner les gens dans leur réflexion professionnelle, mais différemment de tout ce qui peut être proposé aujourd’hui. Ce n’est pas un truc qu’on va faire sur un bout de table le soir après le boulot. Donc si j’accompagne des gens, je veux leur permettre de prendre une vraie semaine de déconnexion. C’est comme ça que j’ai décidé de quitter mon boulot, mais j’ai quand même mis 2 ans à sauter le pas. J’ai quitté l’Espagne et je suis venue m’installer en Dordogne pour accueillir les gens dans un cadre agréable qui permette de recharger les batteries et d’être dans les meilleures conditions pour se centrer sur soi. Je me suis installée en 2019. J’ai repris mes études en 2020 pour me former au coaching pendant un an et j’ai lancé ma boîte en 2021. Bloomencia est née, avec un format unique à l’époque, maintenant il y en a d’autres, mais à l’époque, c’était avec un seul format qui était un accompagnement collectif. Je crois très fort au fait que c’est hyper riche et intéressant de confronter ses idées, son parcours, son réseau. A l’époque quand je me suis posé des questions, j’avais un bon boulot dans une belle boîte, ça se passait bien avec tout le monde, j’avais des perspectives d’évolution, je gagnais plutôt bien ma vie et pourtant, ça n’allait pas. Je me suis sentie hyper seule à ce moment-là, face à mes problématiques assez capricieuses, en me disant je n’avais pas vraiment le droit de me plaindre. Donc le fait d’être avec des gens qui se posent aussi des questions, ça permet de relâcher la culpabilité et la pression. Le parcours est collectif, il dure plusieurs semaines et il permet de réfléchir sur soi. Il s’articule en plusieurs phases et il y a notamment la 2e phase qui est la phase où l’on fait émerger les pistes et les projets qui se passe en Dordogne pendant une semaine. Les gens viennent passer une semaine dans un château que je loue pour l’occasion, et pendant une semaine il y a des ateliers, des intervenants, et cetera, pour aider à déconnecter, à recharger les batteries.

J’AIMERAIS BIEN REVENIR SUR LA TRANSITION QUE TU AS FAITE, PEUT-ÊTRE POUR PRÉCISER UN PEU EN TERMES PRATICO-PRATIQUES COMMENT TU AS FAIT POUR TOUT QUITTER ? QUE CE SOIT LOGISTIQUEMENT, FINANCIÈREMENT, ETC.

Déjà, quand j’ai pris la décision dans ma tête de tout quitter, c’était en 2017 et je ne l’ai fait qu’en 2019. Pendant 2 ans, j’ai beaucoup lu, je me suis formée, enfin auto formée car je n’avais pas forcément les moyens pour les formations coûteuses en Espagne. J’avais d’autres priorités qui étaient d’épargner un max pour me faire un petit matelas de sécurité pour le début, car j’avais lu qu’en général, les auto entrepreneurs arrivent à se payer au bout de 2/3 ans. Donc pendant 2 ans, j’ai eu une obsession, ça a été d’imaginer mon projet dans ma tête, de me former à plein de choses comme la création d’un site Internet, la gestion des réseaux sociaux… Je me suis fait un annuaire aussi de tout l’écosystème autour de la reconversion professionnelle. J’ai commencé à bosser sur mon projet avant de quitter mon job, mais avec des actions qui ne coûtaient pas très chères. Par exemple, sur YouTube, il y a beaucoup de tutos gratuits. Donc petit à petit comme ça, j’ai commencé à emmagasiner un certain nombre d’informations et d’un autre côté à mettre de l’argent de côté et à imaginer le projet dans ma tête. Et puis, j’ai annoncé en janvier 2019 que je quittais mon entreprise. J’avais la Dordogne en tête donc je suis venue en février pendant 2 semaines pour vivre un peu la vie au quotidien, parce que je n’en avais que le souvenir de vacances, et aussi chercher une maison. J’ai eu la confirmation que c’était le style de vie que je voulais mener et je suis venue m’installer en juillet. J’ai pris presque 6 mois pour m’installer tranquillement, rencontrer du monde, prendre le pouls de la ville, et cetera. Et j’ai officiellement commencé à bosser sur le projet en janvier 2020 quand j’ai commencé ma formation. J’ai activé mon chômage à ce moment-là, c’est-à-dire qu’entre juillet et décembre, j’ai vécu sur mes économies car je ne voulais pas toucher mon chômage ; j’ai activé mon chômage en le voyant comme une aide à la création d’entreprise. Pendant un an, je me suis formée et j’ai commencé à créer le contenu, à rechercher le lieu pour pouvoir faire les formations, trouver le château, trouver les intervenants externes, trouver les personnes qui allaient pouvoir faire les repas, etc. Toute l’année 2020 a été dédiée à me former et à créer le business. J’ai officiellement lancé l’offre en janvier 2021. J’ai fait appel à des amis d’amis pendant les 2 premières sessions pour remplir et tester, j’avais besoin de confirmer que c’était une bonne idée, que ça pouvait plaire. Donc j’ai fait 2 sessions en 2021 qui m’ont permis de tester le programme, de le roder, de récupérer des feedbacks, des commentaires, et cetera. Entre-temps, comme je savais que je n’allais pas me payer pendant plusieurs mois, j’ai cherché à enseigner, comme j’enseignais déjà à Toulouse Business School quand j’étais à Madrid. Aujourd’hui, j’enseigne entre 3 et 4 heures en BTS commerce à Périgueux. Ça me plait beaucoup et ça me permet d’avoir une rentrée d’argent régulière, pas beaucoup, mais suffisamment régulière pour savoir que j’ai ce qu’il faut pour ne pas trop piocher dans mes économies.

MERCI, C’EST SUPER INTERESSANT DE VOIR QUE C’EST UN PROCESSUS ASSEZ LONG, QUE CA NE SE FAIT PAS DU JOUR AU LENDEMAIN, SUR UN COUP DE TÊTE. PEUT-ÊTRE POUVONS-NOUS MAINTENANT PARLER DE RECONVERSION PRO DU POINT DE VUE DE CE QUE TU OBSERVES EN TANT QUE COACH DANS LE MILIEU. QUELLES RÉGULARITÉS OBSERVES-TU PARMI LES PERSONNES QUI FONT APPEL À TOI POUR QUESTIONNER UNE ÉVENTUELLE RECONVERSION ET QUEL TYPE DE CONSEILS OU D’AIDES LEUR DONNES-TU ?

Le programme se passe en 3 phases. La première phase, c’est une phase d’introspection qui se passe à distance, sur une plateforme en ligne que je nourris de vidéos où je prends la parole et de ressources. Souvent le rythme c’est une vidéo où je présente un sujet, une ressource complémentaire qui vient illustrer le sujet que j’expose et ensuite un exercice, pendant 3 semaines sur 3 thèmes qui ont vocation à faire faire aux participants un état des lieux de leur situation actuelle : le monde du travail dans lequel j’évolue, mon mode de fonctionnement et mon système de valeurs, et un bilan sur mes compétences. On se voit également en visio collective une fois par semaine pour faire connaissance avec le groupe et échanger. Je leur fais passer également un test de personnalité et je débriefe avec eux parce que même si c’est du collectif, il y a quand même des moments individuels dans le parcours qui permettent de revenir à sa propre problématique. C’est important pour moi d’apprendre à connaître les gens pour mieux les accompagner. Après ces 3 semaines, il y a la 2e phase, une semaine collective en Dordogne. C’est une phase d’exploration qui a un premier objectif professionnel, faire émerger des pistes et des projets. On va récupérer un certain nombre d’informations qui ont pu être générées au cours de la première phase et moi je les accompagne au travers d’ateliers professionnels, à réfléchir sur eux et sur leurs différentes pistes grâce à différents styles d’exercices. Je leur ouvre le champ des possibles parce qu’en général, ils ont une vision assez fermée, ils ne savent pas où commencer. A la fin de la semaine, ils ont affiné leur pensé et déterminé 3 projets qui pourraient les intéresser, aussi bien sur le fond que sur la forme : quels sont les domaines qui m’intéressent, quelles sont les compétences que je souhaite mobiliser, est-ce que je me vois plutôt salarié ou entrepreneur, quel est le niveau de sécurité dont j’ai besoin ? Ils travaillent sur tout ça avec une feuille de route et des actions en face qui sont très concrètes, qui vont leur permettre ensuite de rentrer chez eux sereinement. Et ils ont des pistes à aller explorer. J’amène une bibliothèque s’ils veulent bouquiner au coin du feu l’hiver ou au bord de la piscine l’été, ils peuvent jouer au tennis, ils peuvent aller se balader, donc c’est vraiment libre. Et il y a des après-midis qui sont animées par des intervenants externes, en l’occurrence une botaniste, un photographe et une sophrologue qui viennent leur faire vivre quelque chose de différent et d’un peu atypique, ce qui permet de déconnecter un peu le cerveau et de se laisser porter par quelqu’un. Tous ces intervenants ont traversé une reconversion professionnelle, donc ça permet aussi de se confronter à de vraies histoires de vrais gens, que ça ne soit pas uniquement l’histoire typique hypermédiatisée de l’avocat à la Défense qui est aujourd’hui fromager en Lozère. Parce que ça existe, mais ce n’est pas la majorité des cas. 

A la fin de la Dordogne, on ouvre le 3e chapitre qui est la phase d’action où ils rentrent chez eux avec 3 pistes, une feuille de route, des actions. Je reste avec eux mais je prends moins de place,  il y a vraiment une bascule dans la responsabilisation. Ils ont tout de même la possibilité de me solliciter 3 fois en entretien individuel et ils ont accès à une plateforme avec des modules de soutien : la gestion des peurs, la gestion des freins, la gestion du stress, la gestion du temps, la gestion de la motivation, il y a des ateliers plus concrets sur « je refais mon CV », « je refais mon LinkedIn » et cetera. 

JE NE SAIS PAS COMBIEN TU AS FAIT DE SESSIONS JUSQUE LA MAIS EST-CE QUE TU AS OBSERVE DES RÉGULARITÉS ? OU ALORS EST-CE QUE LES PERSONNES VIENNENT DE TOUS HORIZONS, TOUS SECTEURS, TOUS FORMATS DE TRAVAIL ? 

Jusqu’à présent, j’ai eu tout style de profils. La plus jeune avait 25 ans et sortait de pharma, la plus âgée avait 56 ans et était médecin. Dans les faits, j’ai vraiment vu de la diversité mais il y a quand même un cœur de réflexion, un cœur de clientèle qui sont principalement des femmes. Statistiquement, c’est 80% de femmes. C’est beaucoup de personnes qui viennent du privé et beaucoup venaient des grandes métropoles même si encore une fois, j’ai eu d’autres villes et de l’international. Mais plutôt du middle management, des chefs d’équipe, des chefs de groupe, des responsables marketing etc. Ce sont plutôt des gens en milieu de carrière, avec une moyenne d’âge entre 40 et 45 ans. Mais encore une fois, il y a aussi énormément de diversité. Il y a un profil type statistiquement et aussi la réalité qui est plus variée, parce que le programme s’adresse à tout le monde.

DONC TU ACCOMPAGNES LE PROCESSUS SANS SELECTIONNER A LA BASE ET SANS REDIRIGER SPÉCIALEMENT À LA FIN, C’EST CA ?

Oui, je donne des clés pour alimenter la réflexion, je présente des pistes mais je ne me spécialise dans aucune reconversion, je ne dis pas « j’accompagne la reconversion des infirmières ». J’accompagne à réfléchir sur soi et tout le monde peut réfléchir sur soi, quel que soit le secteur ou d’où l’on vient. J’aide à ordonner la pensée de façon méthodique pour réussir à trouver des solutions. Par contre, la seule chose est que je parle à tout le monde avant l’inscription parce que je suis garante de l’énergie du groupe aussi, que ça se passe bien en collectif, que les gens comprennent ce que ça veut dire de faire du collectif, que les gens comprennent ce que ça représente aussi de travailler sur soi en termes de charge de travail, de temps à donner, et je dois m’assurer qu’ils soient dans une bonne disposition psychologique. Par exemple, je ne prends personne qui soit en phase de burn out parce que ça ne serait pas bénéfique pour eux. Le programme demande de l’énergie, ça demande une capacité de prise de recul, d’avoir une vision plutôt objective sur sa situation et le burn-out ne permet pas ça. Donc moi je leur dis « écoutez, je serais ravie de vous accompagner, mais je pense qu’aujourd’hui ce n’est peut-être pas encore le bon moment pour vous, vous devez d’abord prendre soin de vous ». Je ne fais pas du tout une sélection en fonction des profils, je m’assure seulement que les personnes aient bien compris ce que cela impliquait et qu’elles soient dans les meilleures dispositions possibles pour le faire. 

    QUELS RESULTATS OBSERVES-TU ?

    Une reconversion prend entre 6 et 18 mois en général mais c’est vraiment variable entre les gens qui font le programme et qui ont déjà décidé de changer et les gens qui viennent avec simplement un niveau d’insatisfaction et qui partent d’une page blanche. En moyenne, les gens enclenchent des changements entre les 6 et les 18 mois qui suivent le programme et les changements peuvent être très variés, c’est à dire qu’il y a des gens qui vont décider de monter leur boîte, il y a des gens qui vont décider de changer de boîte, donc ils restent dans le salariat, par exemple pour transposer ses compétences ailleurs, dans une boîte qui fasse davantage sens pour soi. Il y a des gens qui demandent des mobilités internes dans leur entreprise parce qu’ils se rendent compte qu’en fait c’est pas leur entreprise qui pose problème, mais qu’ils sont arrivés au bout d’un cycle. C’est très français d’envisager l’évolution professionnelle comme verticale, c’est-à-dire que tu montes d’un poste à l’autre, tu prends des échelons, des responsabilités, et on ne pense pas aux mouvements horizontaux. Il y a aussi des gens qui décident de monter un projet en parallèle de leur travail. En fait il y a autant de reconversions que de personnes. Je te donnais l’exemple de l’avocat qui devient fromager, ça fait vendre dans les médias mais ce n’est pas la majorité des reconversions. La reconversion c’est pas forcément un virage à 180 degrés. Le degré de changement dépend de chacun et des fois rien que changer d’un ou 2 degrés, ça fait des changements énormes dans la durée. Ce qu’il faut avoir en tête c’est que de se faire accompagner ou faire un bilan de compétences n’oblige 1- absolument pas à changer et 2- pas à changer radicalement. Ça permet de faire un point sur soi et parfois simplement de mettre le doigt sur ce qui pourrait être amélioré. Et ça, ça dépend de chacun. 

    Je parle peu de reconversion drastique parce qu’il y en a à qui ça ne va pas parler ou pour qui ça va devenir anxiogène. Moi je leur donne tout le jeu de cartes et après ce sont eux qui choisissent les cartes à jouer pour composer leur jeu. Mon rôle est de leur montrer tout ce qui est possible et aussi de les interroger sur pourquoi ils choisissent telle carte plutôt que telle autre. Mais ce n’est pas à moi de leur dire quoi faire. 

    Et mon rôle aussi est, je le constate, de faire voir aux gens le travail différemment, le rôle de l’entreprise différemment. On dit souvent que c’est l’entreprise qui doit donner du sens à ton travail. Moi je ne suis pas d’accord. En fait, l’entreprise a un poste à remplir, une mission à remplir pour un objectif à remplir. L’entreprise, elle a un rôle, c’est de ne pas te rendre malheureux. Et c’est pour ça que c’est inscrit au code du travail la qualité de vie au travail, et cetera. Mais l’entreprise n’a pas vocation à te rendre heureux, c’est pas pareil, tu vois entre ne pas rendre malheureux et rendre heureux. Et l’entreprise ne peut pas se soucier du bonheur et du sens au travail de ses 3000 collaborateurs, c’est à toi de construire ta propre définition du sens au travail. Et ensuite d’aller en parler à ton entreprise. Après, si l’entreprise ne t’entend pas là, on peut s’interroger sur la suite en disant « Bah voilà, mon entreprise n’est pas prête à m’accompagner sur ma définition du sens et peut-être qu’il est temps que je change ». Mais je ne jette pas directement la pierre aux entreprises, je fais aussi comprendre aux gens qu’ils ont un rôle et que c’est à eux d’être acteurs en fait de leur changement. Évidemment, ça va de pair avec une ouverture d’esprit de l’entreprise, mais ils ne peuvent pas s’attendre à ce que tout leur tombe tout cru dans l’assiette. 

    SELON TOI, QUELS SONT LES REDFLAGS QUI INDIQUENT QU’UN CHANGEMENT EST NÉCESSAIRE ?

    Dès qu’on sent qu’il y a quelque chose qui commence à pas aller, ça peut être tout et n’importe quoi, ça peut être, je suis plus irritable, je trouve moins de sens à ce que je fais, je commence à regarder du coin de l’œil des offres d’emploi ailleurs, je jalouse quelqu’un qui me raconte qu’elle vient de changer de boulot, je me prends à rêver d’autre chose… Ça serait peut-être intéressant de faire un petit point sur soi. Encore une fois, ça n’engage en rien mais histoire de faire ça avant d’être dans l’urgence, parce que dans une reconversion professionnelle, il y a un élément clé, c’est le temps. Il faut réussir à se poser les questions quand ce n’est pas trop tard. Une reconversion professionnelle, c’est tout sauf impulsif.

    Ces mots font écho en vous ou vous souhaitez simplement en savoir plus ? Vous pouvez contacter Nadège sur son site Internet, c’est bien sûr sans engagement 😉